Portugal : Pression arbitraire et injuste, dit le NY Times
Dans l’édition du 12 avril du New York Times, Robert M. Fishman ne livre pas seulement une nouvelle attaque contre les vertus supposées des mesures imposées à tout État prétendant bénéficier du soutien financier des grandes institutions internationales. A partir du cas du Portugal, dernier avatar d’une série d’appels à l’aide qui se sont suivis sans véritablement se ressembler, ce spécialiste des pratiques démocratiques et de l’évolution des États - sud-européens notamment - met en garde contre les risques que pourrait faire peser sur l’ensemble des démocraties la banalisation de tels recours à l’aide internationale face aux exigences toutes puissantes de marchés financiers non régulés.
Robert Fishman souligne d’abord que derrière une ressemblance apparente, la situation du Portugal diffère largement des difficultés profondes et structurelles de la Grèce et de l’Irlande, que la pression des marchés obligataires n’a fait que révéler à ceux qui refusaient encore de les voir. A cela, Fishman oppose les performances nettes et durables de l’économie portugaise, propulsée par les institutions et les politiques nationales. En maintenant la dette à des niveaux inférieurs à celle d’autres pays comme l’Italie pourtant réputés plus solvables, celles-ci ont permis à l’économie portugaise de montrer d’évidents signes de reprise dès le printemps 2009. Le Portugal souffrirait alors principalement d’une "mauvaise réputation" auprès des agences de notation, que l’auteur explique à la fois par le scepticisme idéologique des marchés devant les économies de style keynésien, et par un aveuglement des analystes financiers aux dynamiques de long terme. Plutôt qu’aux dépenses excessives des années 1990, c’est à cette double cécité qu’il faudrait attribuer la dégradation de la réputation de solvabilité du Portugal, laquelle a engendré, et non pas suivi, la hausse de ses taux d’intérêts. Selon le principe de "la prophétie se réalisant elle-même", le gouvernement s’est ainsi vu contraint de solliciter l’aide internationale, en dépit d’une politique nationale pourtant efficace, et au prix d’une austérité impopulaire et dommageable à la reprise.
La régulation des marchés obligataires et des méthodes des agences de notation pour laquelle plaide Robert Fishman est donc aussi bien une affaire de reprise économique que de liberté politique. Elle doit répondre à une menace qui n’épargne pas plus les États-Unis (ou la France) que, dans un avenir sans doute plus proche, l’Espagne, l’Italie ou la Belgique. Car l’enjeu est bel et bien celui de la capacité des États démocratiques à formuler des choix budgétaires, c'est-à-dire à mener des politiques conformes aux aspirations des électeurs. Finalement, Fishman souligne que c’est donc aussi une responsabilité forte des gouvernements élus que de préserver cette capacité de choix.
*Robert M. Fishman, "Portugal’s Unnecessary Bailout", New York Times, 12 avril 2011.
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