Acculé, le Portugal se résout à l’aide internationale
Incapable de se financer auprès des marchés, Lisbonne a dû accepter le secours de Bruxelles et du FMI. Au risque de mettre son économie sous tutelle.
«Le 6 avril 2011 restera gravé comme le jour de la liquidation du rêve, irréel bien sûr, que les Portugais alimentaient : il n’était pas possible de vivre éternellement au-dessus de nos moyens», déclarait hier le Jornal de Noticias. La farouche résistance du Premier ministre, José Sócrates, à accepter l’aide internationale, au nom «de la dignité nationale», a fait long feu : après des mois de défiance vis-à-vis de l’Union européenne et quatre plans d’austérité en un an, le leader socialiste a jeté l’éponge.
Camouflet. Mercredi soir, la tête basse, Sócrates a accepté le secours financier (entre 70 et 90 milliards d’euros, selon les estimations) de Bruxelles et du Fonds monétaire international (FMI). Il subit donc un second camouflet, lui qui, voyant son quatrième plan d’austérité rejeté par le Parlement national, a dû démissionner le 23 mars.
Après la Grèce et l’Irlande, en avril et en novembre 2010, la petite nation ibérique est donc aussi tombée dans les rets des marchés, embourbée dans une double crise, politique et financière. «On avait beau s’y attendre, c’est un coup de massue, lâche l’avocat Pedro P. Oliveira. L’impression qu’on n’est plus maître de notre destin et qu’on remet les manettes à une puissance étrangère.» Le couperet financier a surpris un pays qui vit depuis des mois dans la peur. Si l’opération de sauvetage ne faisait de doute pour personne, on pensait qu’elle aurait lieu au lendemain des législatives anticipées, fixées au 5 juin, et que d’ici là, pour éviter l’asphyxie financière, le Portugal recevrait une aide extraordinaire de l’UE. Mais tout «animal féroce» qu’il est (selon ses propres termes),
Processus de l'aide étrangère a déjà été lancé le Portugal reçoit 80 milliards d'euros au cours des trois prochaines années.
Sócrates n’a pu résister aux pressions.
«Face à Bruxelles, au FMI ou aux marchés, il était disposé à lutter, estime l’analyste Manuel Villaverde Cabral. Mais face aux banques, il ne pouvait rien faire.» Car ce sont les banques nationales qui ont accéléré l’issue fatale. Ces derniers jours, les rumeurs ne faisaient qu’enfler : faute de liquidités, plus question de prêter un sou de plus à l’Etat. Les directeurs du Banco Espirito Santo, du BCP ou du Santander Totta défilaient sur les plateaux télé pour y confier leur impuissance. Mardi, les agences Moody’s et Fitch abaissaient la note du Portugal ; et Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI, alertait quant au «facteur de risque» de la dette privée du pays. Le glas avait sonné.
Groggy. L’intervention extérieure n’est pas forcément vécue comme une catastrophe. Selon un sondage publié hier par le Jornal de Noticias, 39% des Portugais sont opposés à un sauvetage, mais la même proportion y est favorable. Il n’y a rien d’inhabituel : en 1977 et en 1984, le pays avait déjà accepté l’aide du FMI. «L’écœurement populaire face à la classe politique est tel que beaucoup préfèrent que ce soit un organisme étranger qui veille à la discipline budgétaire», estime le chroniqueur José Manuel Fernandes. Ce qui ne soulage pas l’angoisse des sacrifices à consentir à moyen et long terme, dans le sillage de la Grèce et de l’Irlande.
Le Portugal sort groggy d’une décennie de croissance quasi nulle et des mesures d’austérité de Sócrates, dont le gel des retraites ou la baisse de 5% des salaires des fonctionnaires (pour les tranches élevées). Où le FMI va-t-il grignoter ? Le salaire minimum ? Bientôt établi à 1 168 euros en Irlande et à 739 euros en Grèce, il n’est que de 485 euros au Portugal. «Il est question de supprimer les 13e et 14e mois de paie, s’indigne la députée socialiste indépendante Inês de Medeiros. Mais pour la majorité des familles, c’est un bonus qui permet des achats nécessaires et fait tourner une partie de l’économie. Ces coupes publiques à venir sont catastrophiques. Dans le Portugal rural, par exemple, l’Etat est souvent le principal employeur. Que s’y passera-t-il s’il se désengage ?»
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