Le mystère portugais face au Covid-19
Le Portugal est relativement
épargné par l'épidémie... Les Portugais sont certes confinés,
mais pas de sanctions, ni d'attestation de déplacement.
Il y a un mystère portugais
que nous allons essayer de résoudre ensemble. Le mystère est le
suivant : alors que l'Espagne est sévèrement confinée et que
le gouvernement espagnol vient de décréter l'arrêt de toute
activité économique non essentielle... les Portugais sont certes
confinés, les lieux publics sont fermés mais pas de sanctions, ni
d'attestation de déplacement. Interrogé, le Premier ministre
portugais, António Costa, a répondu : "Les Portugais sont
si disciplinés que la répression est inutile".
On pourrait donc penser que
le Portugal va au devant de la catastrophe. Rien ne serait plus
faux : alors que l'Espagne compte 6 733 victimes du
coronavirus, le Portugal n'en compte que 119, c'est-à-dire, en
proportion de leur population respective, 11 fois moins.
Des pistes pour élucider ce
mystère portugais
La première explication est
géographique : le Portugal est le seul pays du continent
européen à n'avoir qu'un seul voisin, en l'occurrence l'Espagne.
C'est donc le seul pays européen pour lequel la fermeture précoce
de ses frontières a été efficace.
Deuxième explication :
le pays vit beaucoup du tourisme. Or le covid-19 sévit hors période
touristique. Donc, le Portugal n'a pas eu à affronter une vague de
cas importés, juste à gérer un petit stock de visiteurs un peu
esseulés en plein hiver.
Troisième explication, sa
situation géographique à l'extrême-ouest de l'Europe a permis à
Lisbonne de voir venir. C'est-à-dire que l'épidémie – et sa face
ascendante – a commencé plus tard que pour l'Espagne, la France ou
l'Italie.
Les Portugais ont profité
des leçons des autres pays
Le Portugal s'est isolé en
même temps que nous, le 13 mars, alors que nombre de cas sur son
territoire pouvait encore se compter sur les doigts de deux mains.
Mais surtout, António Costa a raison : les Portugais se sont
auto-disciplinés.
En regardant les
informations venues d'Italie, de France et surtout d'Espagne, dès la
fin février, beaucoup de Portugais ont migré vers leurs maisons de
campagne pour s'isoler, ont cessé de sortir dans les bars et les
restaurants et ont retiré leurs enfants des écoles.
Du coup, beaucoup d'écoles
étaient fermées avant même l'injonction gouvernementale faute
d'élèves. Même chose pour certains commerces, notamment dans les
centres des grandes villes du pays : il avaient devancé l'ordre
de fermeture, faute de clients.
Les Portugais ont donc pris
de l'avance... y-a-t-il des raisons plus structurelles ?
Il y a d'abord, une
continuité gouvernementale dont les Espagnols ne peuvent se
prévaloir. L'actuelle coalition de gauche est au pouvoir à Lisbonne
depuis 2015. L'Espagne, dans la même période, ont connu quatre
élections générales.
Sans même parler de la
crise institutionnelle en Catalogne. Ensuite, contrairement à
l'Espagne, le Portugal est sorti beaucoup plus tôt de l'austérité
et avec succès. Moins d'austérité, moins de coupes claires dans la
santé publique, un pays mieux préparé.
Ce qui autorise d'ailleurs
Lisbonne à faire preuve de générosité : le 28 mars, Lisbonne
a décidé de régulariser tous les migrants qui ont déposé un
dossier de résidence et de renouveler automatiquement les titres de
séjour qui arrivent à échéance.
Générosité mais aussi
mesure de salubrité publique : en régularisant tout le monde,
le gouvernement donne accès à toute la population résidant au
Portugal au système de santé gratuit et universel : tout le
monde protège tout le monde du Covid-19.
France Inter, lundi 30 mars
2020
par Anthony Bellanger
Journaliste et chroniqueur éditorialiste international
aux Inrocks et à France Inter.
par Anthony Bellanger
Journaliste et chroniqueur éditorialiste international
aux Inrocks et à France Inter.
PS : Dans une interview
au journal «Observador», Nicholas Christakis, directeur
du Human Nature Lab de l'Université de Yale, est convaincu que le
Portugal n'échappera pas aux mêmes problèmes que la Chine ou que
l'Italie connaissent actuellement.
«A
Lisbonne, pensent-ils qu'ils sont différents de Wuhan ou de la
Lombardie ? Ils ne le sont pas !». Explique le chercheur dans
une interview au journal «Observador», soulignant qu'il
n'y a aucune raison de croire qu'il existe des villes plus protégées
que d'autres.
Situation épidémiologique Covid-19 au Portugal le 31 mars 2020
Cas suspectés depuis le 1er janvier 2020 : 52.086
Cas confirmés : 7.443
Cas non confirmés : 40.033
En attente résultats : 4.610
Cas récupérés : 43
Décès : 160
Cas suspectés depuis le 1er janvier 2020 : 52.086
Cas confirmés : 7.443
Cas non confirmés : 40.033
En attente résultats : 4.610
Cas récupérés : 43
Décès : 160
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